« Cet accord en sol majeur a le pouvoir d’apaiser le monde entier », écrit Reed Tetzloff dans le livret. C’est ainsi qu’il entame le Concerto en sol majeur de Beethoven avec un délicat arpège, semblable à celui de la lyre d’Orphée qui, comme on le sait, se tient en vain, suppliant devant les portes des Enfers dans le deuxième mouvement.
Le contraste entre le soliste et les Philharmonistes de Prague, sous la direction de Pawel Kapelka, est déjà frappant, notamment en ce qui concerne le tempo. Tetzloff s’autorise régulièrement des ralentissements méditatifs, obligeant l’orchestre à regagner son élan par la suite. Cela fonctionne particulièrement bien lorsqu’il interprète les passages avec une telle musicalité, les transformant ensuite en une brillance scintillante, tout en conservant une clarté et une lisibilité impeccables dans chaque note.
Les transitions sont exécutées avec un soin presque chambriste, les montées en intensité et leurs relâchements étant abordés de manière collective, comme dans le passage de la cadence dramatiquement chargée à la douceur lyrique de l’entrée du tutti. Grâce à la rare qualité du pianiste, qui dispose d’une palette dynamique capable de descendre dans des nuances extrêmement délicates, certains développements et accents paraissent plus marqués qu’à l’accoutumée.
Quant au Concerto en mi bémol majeur, souvent interprété de manière majestueuse, il bénéficie ici d’une cure de fraîcheur et de légèreté grâce au jeu cristallin et souvent délicatement perlé de Tetzloff. L’orchestre, tout aussi transparent, met en relief le roulement de timbales révolutionnaire. Après un superbe ritardando des vents avant la reprise, l’optimisme des arpèges du soliste brille de mille feux avant de se désagréger aussitôt.
Un album qui ne prétend pas révolutionner l’interprétation de ces œuvres, mais qui convainc dans chaque note et subjugue par sa beauté en de nombreux passages.
Isabel Herzfeld « Piano News », 2024